le vin en biodynamie

Et même jusque chez nous, au sein de notre petit groupe, le débat sur la biodynamie se porte à merveille. Au point que je ne peux m’empêcher, de réagir sur le délicat sujet qui enflamme notre petit monde du vin. Au risque de voir notre cher public fuir vers d’autres blogs. Au risque de rendre chafouin notre Marc dournyiol qui, dans sa livraison du Lundi, nous a fait part de son refus aussi net qu’objectif de croire l’incroyable. Respect, Marc. Il admet presque sur le bout des lèvres que quelques uns des plus grands domaines de France puissent nous livrer des vins extraordinaires tout en ne supportant pas l’idée que cette volupté, que cette finesse, que cette fraîcheur et que cette rectitude que l’on remarque chez de nombreux vins biodynamisés puissent être imputables à la pratique de cette obscure pratique, jeu de mots oblige. Peut-être nous convaincra-t-il un jour que le terroir n’y est pour rien non plus tant il est vrai – et là nous sommes peut-être d’accord – que l’intelligence du vigneron y est pour quelque chose de prédominant. Je ne pense pas que le but de Marc ait été de diaboliser à ce point la biodynamie, lui qui évoquait « l’obscurantisme régressif », mais si tel était le cas, je tiens à préciser que je trouve que l’initiative est aussi rétrograde que de clouer au pilori les partisans des vins bios, les adeptes du rosé coloré ou les adorateurs de Bordeaux.

Et si la biodynamie faisait partie de la science évolutive, d’un cheminement pensé et réfléchi basé sur l’observation longue et patiente de l’homme face à la vie, confronté aux affres de l’agriculture et de la nature? Et si la biodynamie reposait sur le simple constat que la vigne s’en sort renforcée, qu’elle redevient un végétal en vie et non un«légume assisté» ou une plante qui végète sous l’emprise de drogues-médicaments ?

Dans ma misérable petite vie d’observateur curieux, il m’est arrivé de visiter des usines à jambon où le vieillissement artificiel et accéléré était la règle, où tout était scientifiquement contrôlé au niveau bactéries, de même que j’ai vu des « ateliers » de gavage où régnait l’odeur de la mort, des usines à poulets semblables à des camps de concentration sous le soleil d’été. J’ai aussi vu des champs de céréales à perte de vue et des vignes de grand cru traités en permanence par crainte de voir le chiffre d’affaires baisser d’un demi-point. Il y a encore tant et tant de victimes de la médecine conventionnelle qui refusent d’accepter l’idée que l’homéopathie, appliquée par un médecin, bien sûr, peut être plus efficace que tout autre remède dans la guérison de bien des maux, à commencer par les « petits bobos » de la vie quotidienne. À condition, bien entendu, de bien comprendre que cette variante de notre médecine, au même titre que l’acuponcture, par exemple, ne peut pas tout régler et que dans certains cas l’hôpital est la plus sûre des destinations. L’homéopathie ne peut pas tout, il est probable que la biodynamie non plus. Mais si on l’applique avec sagesse, dans la réflexion et l’analyse du quotidien, nul doute qu’elle permet d’envisager des solutions plus douces, plus harmonieuses, dans nos façons de vivre et de penser. Plantes, humains, animaux, j’aime à croire que nous respirons tous les mêmes poussières d’étoiles et que nous sommes tous des êtres cosmiques. Effectivement tout cela doit vous paraît bizarre, étrange, affreusement ésotérique et dangereusement impénétrable. À moi aussi. Et pourtant, pour avoir suivi des vignobles et des personnes malades, je puis affirmer que la biodynamie et l’homéopathie ont largement contribué au redressement, à la guérison et à l’installation d’une certaine forme de bien-être. Je vois déjà venir la vive mais savante réprobation de l’ami Léon qui fut médecin et qui est désormais vigneron…

Pardon mon Paul d’insister, mais à force de faire l’autruche, le refus de voir renforce l’incrédulité qui, de son côté, verse des paquets d’eau pour alimenter le moulin de notre bel esprit cartésien. Le fait que des œnologues, des médecins, mais aussi des banquiers, des mathématiciens, des pharmaciens, des plombiers, des curés, des ouvriers et qui sais-je encore puissent croire qu’il est possible d’appliquer une sorte de «médecine plus» dans les soins courants de la plante et de l’humain, mais aussi pourquoi pas de l’animal, sans avoir un recours systématique aux«bombes antibiotiques» montre que nous réfléchissons et que nous cherchons des solutions.

Est-ce pour autant une parade contre les charlatans de tous poils? J’en doute. Cependant, sans renier les bienfaits de certains aspects de l’agriculture conventionnelle, je reste persuadé et je l’ai déjà affirmé ici, que la grosse majorité des vins les plus chargés en émotions qu’il m’ait été donné de boire ces dernières années étaient issus de l’agriculture biologique ou biodynamique.

Qui suis-je pour dire cela ? Rien, pas même l’ombre d’un gourou du vin ! Mais comme cela ne m’empêche pas de boire, de voir et de croire, j’ai en moi quelques convictions et je refuse de jouer la politique de l’autruche. Deux exemples personnels récents renforcent ce que d’aucuns pourraient appeler ma «croyance» : pas plus tard qu’avant hier, je me suis soigné l’âme avec quelques lichettes divines d’un gewurztraminer 2004 de Zind Humbrecht, tandis qu’hier matin je me suis « auto guéri » en suçotant 3 granules d’apis mellifica 9 ch à la suite d’une brûlure à la main conséquente au renversement de l’eau bouillante prévue pour ma théière… Qui sait, mais ce dernier épisode est peut-être imputable à la lune gibbeuse et ascendante située à 377.844 km de mes yeux et qui va se coucher à 06 h 33 précisément ?

Bref, au risque de décourager un nombre appréciable de mes lecteurs, j’affirme qu’il est indéniable que la biodynamie et la bio tout court ont fait progresser la viti-viniculture ces dernières décennies. Cette certitude repose sur plus de 25 ans d’observations, de discussions et de dégustations, les premières ayant lieu dans les années 80 avec, je m’en souviens, les vins de Marc  qui, sans être tous à mon goût, avaient pour beaucoup une indéniable pureté, une lumineuse clarté. Cela dit, il est normal que cela ne plaise pas à tout le monde. Moi même j’étais très sceptique au départ et je dois dire que je le reste encore lorsqu’un vigneron m’annonce fièrement qu’il vient de se «convertir». Car plus qu’une idéologie, la biodynamie est une véritable philosophie, un changement de vie radical, une approche volontariste, une remise en cause que l’on s’inflige. Elle marche, dès lors que l’on y croit sincèrement et qu’on l’applique avec sérieux, c’est à dire en réfléchissant et non en transposant bêtement des recettes qui relèvent parfois de la sorcellerie antique.

Pour en finir – provisoirement – sur la biodynamie que je défends souvent ici avec fougue sans pour autant soutenir, vous l’avez compris, le côté obscur des doctrines ambigües et loufoques professées par son initiateur, je me dois de préciser, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, que je suis entièrement d’accord avec mon confrère de blog  qui officie le lundi sur son analyse concernant Rudolf Steiner, philosophe autrichien fondateur en 1910 de la Société anthroposophique; un mouvement inspiré du Rosicrucianisme et du Catharisme.

Je vous propose, afin de compléter son dernier article, de lire le rapport assez précis établi par le GEMPPI, un groupe d’étude spécialisé dans la prévention contre les sectes. Cependant, si Steiner s’appuyait sur une notion de race, chose courante à l’époque, rien ne prouve que cet illuminé qui comptait de nombreux juifs parmi ses proches ait adhéré à une quelconque thèse ou parti nazis. J’arrête là et je redeviens autruche moi-même car, de toute façon, ce mec-là n’intéresse que peu de biodynamistes vignerons. Et comme je ne suis ni gémeaux ni vierge, je ne crois pas en l’influence de Mercure.